Accueil
QUI SOMMES NOUS ?
ACTUALITÉ
CONTRE LES PERSÉCUTIONS ET POUR LE DROIT D’ASILE
FEMMES ET MIGRATIONS
DROITS DES FEMMES... DE TOUTES LES FEMMES !
EUROPE ET INTERNATIONAL : QUELQUES ÉTUDES ET DOCUMENTS
ARCHIVES

FEMMES ET MIGRATIONS - TRAVAIL ET EMPLOI -

2010 septembre : Travailleurs-ses sans papiers, où en est-on ?

Article publié sur le site Rue89 « Rock sans papiers la lente régularisation des travailleurs sans papiers » (septembre 2010)

Après huit mois de grève et des discussions avec les ministères de l’Immigration et du Travail, à peine « une vingtaine » de dossiers de régularisation de travailleurs sans-papiers sont en cours de traitement sur les 1 600 demandes déposées en préfecture. Ce samedi 18 septembre, ils seront tous au concert Rock sans-papiers.

Raymond Chauveau, coordinateur à la CGT, précise la situation : « Il ne s’agit pas d’un accord signé, mais de négociations entre l’ensemble des organisations syndicales, le ministère de l’Immigration et celui de l’Intérieur. Le texte, publié le 18 juin, suivi le 24 juin de la lettre 340 signée par le directeur de l’Immigration, accordait, dès le dépôt du dossier en préfecture, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travailler, dite APS-K. » Le texte obtenu visait également à :faciliter la régularisation des intérimaires et employés à domicile ;abolir les différences de traitement entre préfectures ;garantir aux travailleurs sans-papiers de ne pas subir d’arrestations, au minimum jusqu’au 30 septembre, date limite de dépôt des dossiers.

Lenteurs administratives

Depuis le 18 juin, rien ne bouge ou presque. Les engagements du gouvernement ne sont pas respectés. C’est ce qu’a pointé le collectif des onze syndicats et associations, qui soutient le mouvement des travailleurs sans-papiers.

La faute selon eux à l’extrême lenteur administrative. Raymond Chauveau : « Nous avons dû attendre le 22 juillet pour recevoir une première liste avec les critères nécessaires à la constitution d’un dossier, mais les critères ne collaient pas. Il y a une très forte pression de la préfecture de police de Paris qui n’a cessé de rajouter des pièces supplémentaires pour former les dossier. » Ce n’est finalement que le 3 août que militants, syndicalistes et travailleurs sans-papiers se sont rassemblés place Saint-Michel, pour aller déposer 550 dossiers à la préfecture de police de Paris avant d’en déposer 300 autres, plus tard.

La CGT accuse les trois administrations -ministère du Travail, préfecture et direction régionale des entreprises, de la consommation, du travail et de l’emploi (Directe), de connaître des difficultés d’organisation. Arrestations de grévistes

Les accords du 18 juin prévoyaient également que les entreprises intérimaires confient de nouveau des missions aux travailleurs sans-papiers, et que les huit mois de grève comptent comme travaillés.

Mohamed N’Diaye, travailleur intérimaire d’origine mauritanienne, et délégué d’un piquet de grève en Seine-Saint-Denis, confirme ne plus avoir de mission, et ajoute : « Avant je pouvais bosser, maintenant les contrôles sont plus importants. » Le collectif dénonce aussi les arrestations de grévistes -malgré l’engagement contraire des autorités-, même si aucune mesure d’expulsion n’est à déplorer.

La CGT pointée du doigt par les travailleurs sans-papiers

Résultat, il y a deux semaines, lors d’un rassemblement devant le ministère de l’Immigration, le climat était tendu : des délégués des travailleurs sans -papiers ont eu des mots très durs contre la CGT, lui reprochant une certaine « incapacité » à se rendre compte et à accepter que « la lettre 340 ne sert plus à rien, [qu’] elle n’a pas été respecté et [que] rien n’a bougé », selon Mohamed N’Diaye.

La CGT a néanmoins été reçue le ministère de l’Immigration suite au rassemblement, et a assuré que l’accord du 18 juin n’était pas remis en cause Depuis la levée des piquets de grève à La Bastille, et excepté quelques régularisations en Seine-Saint-Denis, les dossiers sont bloqués en préfecture. Certains ont pu reprendre le travail avec leurs anciens employeurs, mais c’est une minorité. Pour les autres, impossible de travailler légalement sans l’APS-K.

Pour des centaines de travailleurs sans-papiers et sans revenus, c’est l’incompréhension et la colère :

« Oui, il y a de la colère. Cela fait un moment que nous disons aux syndicats que la lettre 340 n’est pas appliquée, que ce sont juste de belles paroles, qu’il faut aller voir les ministères. Mais eux nous ont conseillé de mettre la pression sur les agences intérimaires. Pour moi, le collectif des onze n’existe plus, il n’y a plus que la CGT et Solidaires, qui se répartissent les dossiers. Je sais que le vrai responsable c’est le gouvernement et ses mensonges. Je sais qu’à la CGT, ils ont fait tout ce qu’ils ont pu, mais je crois qu’ils sont maintenant dans l’incapacité de poursuivre. »

« L’unité des grévistes a toujours été là et reviendra »

Tous ne sont pas de cet avis. Un sans-papier en cours de régularisation -et qui a repris son travail dans une imprimerie-, rappelle : « Si j’ai eu cette régularisation, c’est grâce au mouvement. Avant j’étais convoqué tous les six mois à la préfecture et ils me demandaient des pièces supplémentaires. Je n’ai pas l’impression d’être lâché, j’ai assisté à la réunion du collectif des onze début septembre et à part deux ou trois absences -justifiées- tout le monde était là. C’est sûr ce n’est plus comme avant, mais on est dans une phase différente du mouvement. L’unité des grévistes a toujours été là et reviendra. »

« Le plus dur, c’est de ne pas avoir de boulot »

Mohamed raconte la peur au ventre de se faire arrêter et expulser. La colère, l’injustice, l’espoir qui s’amenuise, l’ennui aussi : « Le plus dur, c’est de ne pas avoir de boulot. » Il a perdu son appartement -« je ne pouvais plus payer le loyer“- ce qui l’oblige à dormir ‘à droite à gauche, chez la famille ou des amis’. Alors, avec les autres travailleurs sans-papiers du piquet de grève et de l’agence Manpower de la rue Lafayette, ils se réunissent de temps en temps pour discuter, s’organiser et parler de leur quotidien.

Angelica est péruvienne, elle est en France depuis six ans et vit avec sa fille de 3 ans. Elle a aussi a participé au mouvement des travailleurs sans-papiers avec ses collègues péruviennes. Toutes travaillent dans le secteur du service à la personne. ‘Mes employeurs savent que je n’ai pas de papiers, mais ils continuent à me faire travailler.’ Pour le collectif des onze, ‘miser sur la fatigue et l’usure du mouvement serait un très mauvais calcul […] nous prendrons dans les prochains jours les initiatives nécessaires pour que les engagements pris soient respectés’.

Menace sur l’aide médicale d’Etat ?

Ce samedi, l’ambiance est à la fête avec ce concert qui réunit des artistes solidaires qui ont signé un appel pour résister au gouvernement : le groupe Tryo, les chanteurs Cali et Jane Birkin seront notamment sur scène. Les bénéfices du concert iront au mouvement. De quoi lâcher prise avant d’affronter le projet de Roselyne Bachelot de faire s’acquitter les travailleurs sans-papiers d’une participation financière pour avoir accès à l’aide médicale d’Etat (AME).