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ARCHIVES - Quelques témoignages et textes collectifs - Appel de femmes algériennes déboutées du droit d’asile (2004) -

Texte de l’appel (2004)

Appel du Collectif des femmes algériennes 7 octobre 2004

Monsieur le Président,

Nous, femmes algériennes, nous avons quitté l’Algérie et demandé l’asile en France. Nos demandes ont été refusées et tous nos recours aussi, nous n’avons pas eu le droit au séjour. Nous sommes donc sans papiers.

Nous sommes arrivées après 1998 et jusqu’en 2002. Certaines d’entre nous voulaient venir avant, mais les visas étaient délivrés au compte goutte, ou bien il fallait renouveler notre passeport et c’était difficile quand les pouvoirs locaux étaient aux mains des intégristes.

Nous étions des femmes actives, beaucoup d’entre nous étaient engagées dans des activités militantes, particulièrement pour les droits des femmes et la démocratie. Nous voulions vivre librement, travailler, ne pas porter le voile. Parmi nous, des femmes enseignantes, journalistes, coiffeuses, fonctionnaires, ingénieures, techniciennes, des femmes de ménage ; des femmes célibataires, divorcées ou veuves qui vivaient de façon indépendante.

Nous avons été menacées parce que nous avons transgressé les normes dominantes de la société soutenues par le pouvoir et refusé le diktat des intégristes. Nous étions considérées comme des femmes de mauvaises vie, rejetées par nos fils et nos frères. Nous étions harcelées au travail, nous avons subi des entraves à notre carrière et à nos activités professionnelles. L’une de nous qui tenait un cinéma voyait les affiches des films déchirées quand il y avait des images de femmes. Les intégristes ont fait sortir de la salle un couple non marié. Il y a eu des alertes à la bombe et un attentat qui a détruit le cinéma. Notre vie quotidienne était devenue un cauchemar, nous avions peur d’être agressées, tout simplement assassinées. Une femme divorcée, vivant seule avec son fils, a été brûlée, Un minibus qui transportait des femmes de ménage à la sortie du travail a été brûlé.

On ne quitte pas son pays sans raison. Les unes l’ont fait avec tristesse et déchirement, d’autres avec le cœur dur et la volonté de ne plus regarder derrière.

Après les violences et les persécutions que nous avons subies là-bas, ne pas nous reconnaître ici comme réfugiées est une violence morale, c’est donc une double violence.

A partir de la fin des années 90, alors même que la loi française a prévu en 1998 l’asile territorial, la majorité des demandes a été refusée. Les autorités algériennes assurent que tout est tranquille, et les autorités françaises ont adopté ce point de vue. Or, ce n’est pas vrai. La peur, les intégristes, les mentalités sexistes sont toujours là. Il n’y a toujours pas de loi ni de volonté politique en Algérie pour protéger les femmes contre les violences. Le Code de la Famille n’a pas encore été abrogé.

Nous sommes forcées de rester ici. Nous ne pouvons pas repartir là-bas. Si nous restons ici même sans papiers et dans les difficultés où nous sommes, c’est qu’il y a des motifs très sérieux. Nous préférons vivre ici sans papiers que de perdre notre dignité.

Nous avons tout perdu là-bas, et avoir vécu seules en France, sans être mariées, librement fait que nous serions très mal vues, marginalisées, ce serait la honte, même nos proches parfois ne nous accepteraient pas. En cas de reconduite à la frontière, nous serions réceptionnées par la police en Algérie.

En étant régularisées, nous pourrons enfin réaliser nos projets, travailler, vivre normalement, nous prendre en charge avec des projets professionnels et des activités associatives de solidarité entre l’Algérie et la France.

Nous nous sentons libres ici. De toute façon , nous n’avons pas le choix, nous demandons à nouveau aux autorités françaises de reconnaître notre droit au séjour en tant que femmes persécutées.

Monsieur le Président, nous vous écrivons pour que vous souteniez notre demande de régularisation auprès de Monsieur le Ministre de l’intérieur, et nous vous remercions par avance de votre action.

7 octobre 2004

Adresse postale : Collectif des femmes algériennes c/o Maison des femmes 163 rue de Charenton 75012 Paris