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ARCHIVES - Quelques témoignages et textes collectifs - Interviews publiés dans le bulletin du Rajfire (1998-2000) -

Témoignage de Nezha (février 2000)

Entretien publié dans le bulletin du Rajfire, mars 2000.

Nezha, une sans-papières du Collectif des Hauts de Seine (février 2000)

Bonjour Nezha. Il y a plusieurs années que tu vis en France. Est-ce que tu peux expliquer ce qui l’a conduit à vivre ici et pourquoi tu n’as pas pu obtenir des papiers jusqu’à présent ?

Je suis en France depuis le 18 décembre 1991, je voulais vivre avec mon ami, un marocain. J’ai fait une demande de papiers lors de la circulaire Chevènement de juin 1997, j’ai déposé un dossier et j’ai eu un refus deux mois après. J’ai fais un recours, mais la préfecture m’a envoyé un arrêté de reconduite à la frontière, et j’ai fait alors un recours au tribunal administratif. J’ai attendu et je suis passée au tribunal au mois d’août 1998, et il a été rejeté. Je n’ai pas fait appel du jugement. Alors j’attends, j’attends qu’il y ait quelque chose...

Et quel était l’argument de la préfecture et du tribunal ?

Ils disaient que je n’ai pas de famille ici en France, que je suis célibataire. C’est tout...

Pourtant tu vis avec quelqu’un depuis plusieurs années ?

L’année dernière seulement j’ai fait une attestation de vie commune à la mairie, qui disait que je vis avec lui depuis janvier 1992, parce que je l’avais connu là bas, au Maroc. Mais peut-être cela ne suffit pas... Il faut cinq ans...

Tu as pu trouver du travail en France ?

J’ai travaillé de 1992 à 1998, cela fait seulement trois mois que je ne travaille pas. Je faisais des ménages, dans des familles tunisiennes, marocaines, algériennes, ou juives...

Et au Maroc, quel travail avais-tu ?

J’ai travaillé chez un médecin, à Tiznit, pendant cinq ans, jusqu’à ce qu’il parte à Casablanca. J’étais secrétaire. J’avais aussi fais une école d’infirmière, j’ai aussi travaillé dans l’administration municipale auparavant...Je tapais à machine, en français et en arabe.

En fait tu avais un meilleur emploi au Maroc qu’ici, tu pouvait utiliser tes qualifications...

Mais je ne gagnais rien, 600 dirham, et le docteur ne me payait que 300 dirham !

Et quand tu est venue tu t’attendais à moins de difficultés, pour les papiers ? Quels étaient tes espoirs en venant en France ?

Je suis venue avec un visa de tourisme. Et ensuite, j’ai habité deux mois avec une femme qui me disait : “ c’est mieux la France, là bas tu ne gagnes rien, et tu n’es pas mariée, tu n’as pas d’enfants, reste ici, c’est mieux... ” Avec les mènages, je touche 3500, même plus... De toute façon je ne peux pas faire autre chose, sans papiers, c’est le travail au noir, comme on dit...

Tu participes aux réunions, aux manifestations ?

Oui, je participe au groupe de Colombes, je vais à la réunion chaque mercredi, et je viens aussi aux réunions avec les femmes ici, à la Maison des femmes, les sans-papiers, et les soutiens. Je suis allée aux manifestations. Pendant 6 mois, quand on était à l’église St Paul, on allait chaque semaine devant la préfecture le vendredi. J’étais aussi à la manif européenne l’année dernière, avec mon ami et mon parrain, et le mois d’août dernier à St Bernard, pour l’anniversaire...

Comment tu as connu ce mouvement des sans-papiers ?

J’ai vu à la télévision l’église de St Bernard, et aussi d’autres manifestations... Je participe à tout, je suis venue avec les femmes de la Maison des femmes à la réunion à l’assemblée nationale (le Comité de suivi des lois sur l’immigration). On était huit personnes, mais il n’y avait pas de député à la réunion. Je n’ai pas pu parler, parce que je ne comprenais pas bien, c’était trop difficile à suivre.

C’est certain, on parle de façon trop compliqué. Pourtant c’est important que les femmes sans papiers prennent la parole, puisque c’est leur sort qui est en jeu. Et tu te fais très bien comprendre en français...

Oui, un peu, mais moi je parle arabe et berbère, parce que je suis du sud du Maroc, d’Agadir. Je parle berbère d’abord. J’ai rencontré d’autres femmes marocaines ici. L’une d’elles est de la campagne près de Casablanca. On a parlé de notre vie. Elle s’était mariée mais ils se sont séparés. Elle travaillait chez des Français, des profs, pendant 18 ans. Elle ne sait pas écrire mais elle parle bien français. C’est avec eux qu’elle est venue en France, mais sans papiers...

Il y a beaucoup de femmes au Collectif de Colombes ?

Oui, il y en a, il y en a qui sont toujours là.Huit ou neuf, et il y a 25 hommes, environ

Mais seuls des hommes sont délégués ? seuls les hommes parlent dans les réunions ?

Oui. Peut être les femmes ne veulent pas être déléguées... Il y a quelques femmes qui parlent, mais pas beaucoup... On va faire une fête, fin février, au centre social, les femmes vont faire un couscous, j’ai entendu cela mercredi dernier...

Les femmes font la cuisine, et les hommes organisent ?

Ce sont les soutiens qui on dit comme cela, que les femmes feraient un couscous...